Le projet a fait couler beaucoup d'encre, même chez certains qui ne l'avait pas lu.

Et pour cause, le texte n'avait pas été accessible, sa présentation n'avait été annoncée que pour la rentrée. Ce fut chose faite, mercredi en Conseil des ministres.

Ce texte pourrait être l'un des rares à faire consensus à gauche.

Enfin le texte de la loi Taubira

Le 2 août, la publication d'un courrier de Manuel Valls à François Hollande dans lequel le premier se plaignait au second de certaines des dispositions les plus décisives du texte avait mis le feu aux poudres. Depuis, nous attendions le texte. Le 19 août, le Point en avait publié quelques extraits. Dans sa longue interview du 29 août dernier, François Hollande a finalement donné raison à sa Garde des Sceaux. Le 3 septembre 2013, France Inter avait lâché une première version.

Le gouvernement fait valoir quatre principales mesures, et des moyens renforcés pour appliquer cette réforme : une suppression des peines planchers; la création d’une peine supplémentaire, la contrainte pénale; la création de la procédure de libération sous contrainte; et l'abaissement du seuil d’aménagement des peines de prison.

Les moyens "spécifiques" déployés pour cette réforme sont "contraints" (doux euphémisme): on pourra se féliciter des places de prisons supplémentaires 6.500 places de prison dans les 3 ans. Mais le nombre de places au final - 63 500 - sera inférieur au nombre actuel de détenus (plus de 68.000 en juillet) Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) seront dotés de 1.000 collaborateurs supplémentaires (mais seulement 300 dès 2014), pour un objectif final de 40 dossiers de détenus libérés par conseiller (contre 100 aujourd’hui). On compte par ailleurs 57 magistrats et 40 greffiers supplémentaires de prévu.

L'hystérie, déjà.

Depuis des mois, une droite "hystérisée" par la pression de son extrême ne cesse d'accuser cette loi pas même votée d'être responsable du moindre fait divers crapuleux.

A titre d'exemple, fin août, le site d'extrême droite 24heuresactu publiait un tissu de mensonges sur la loi Taubira, accusant la ministre de vouloir "libérer 98% des délinquants". "Autrement dit", ajoutait l'auteur, "les petits agresseurs sexuels, les dealers internationaux (...), les voleurs multirécidivistes, les proxénètes (...) et autres voyous de France (...)". Agressions sexuelles, trafic de drogue, etproxénétisme ne sont pas concernés par les aménagements de peine de la loi Taubira. Bref, du pur mensonge...

A peine moins outrancier, Lionnel Luca, l'UMP de la Droite Populaire, lâche sur Facebook le 30 août: "Le projet de loi Taubira est criminel car il est le feu vert à la délinquance de toute sorte! Ch Taubira sera la marraine des délinquants !"

Autre exemple, Christian Estrosi accusait le 16 septembre dernier: "vouloir supprimer les peines planchers contre les récidivistes, supprimer les tribunaux correctionnels pour les mineurs et vouloir instituer des peines de probation, c'est une incitation à la violence."

Sans surprise, on retrouve donc les vieux clichés gauche/droite. La lutte contre la récidive est l'un des échecs les plus patents du sarkozysme judiciaire. Et aussi l'un des anciens terrains de jeu préféré de Nicolas Sarkozy depuis 2002. On se perd dans les lois, les décrets, les annonces, les discours et les circulaires. Que d'énergie, souvent violente, l'ancien ministre devenu président n'a-t-il dépensé sur le sujet !

Le projet Taubira vise exactement cette agitation sécuritaire inefficace. En ligne de mire notamment, les symboliques peines planchers votées dès l'été 2007, par la loi Dati du 10 août, qui furent l'une des ruptures de l'ancien quinquennat.

Au total, donc, quelque 70 modifications du droit pénal sont intervenues entre 2002 et 2012. Pour autant, la récidive a plus que doublé entre 2001 (4,9 % des condamnés) et 2011 (12,1%). Même depuis l'entrée en vigueur des peines plancher, il n'a cessé de monter: 8% en 2007; 9,8% en 2009...

"Vider les prisons" ?

C'est l'accusation principale, propagée à droite et quelques syndicats de policiers. Les mêmes oublient que la loi Dati de novembre 2009 a élargi les aménagements de peine. Les mêmes étaient bien gênés par cette gigantesque bourde administrative découverte l'été dernier qui contraint la Justice à libérer quelques centaines de condamnés, parfois criminels. Mais qu'importe ! Observons la loi Taubira de plus près.

1. La loi Taubira ne prévoit aucune réduction de peine automatique, au contraire.

Elle créé une nouvelle peine, la contrainte pénale, de 6 mois à 5 ans pour les seuls délits punissables de moins de 5 ans d'emprisonnement, qui permet d'évaluer les personnes condamnées pour définir les contraintes les plus adaptées (prison, soins, insertion professionnelle).

2. La loi Taubira ne vide pas les prisons de ses criminels condamnés.

La contrainte pénale ne concerne pas les condamnés pour crimes (meurtres, viols, etc). Les affirmations contraires véhiculées à ce sujet par quelques-uns à l'UMP jusqu'aux frontières de la réacosphère telle Riposte Laïque ou Fdsouche sont des mensonges, de simples délires.

3. La loi Taubira durcit en parallèle le dispositif pénal en abaissant le seuil des procédures d'aménagement de peine : "les seuils des peines aménageables avant leur mise à exécution sont abaissés à 1 an pour les primo délinquants, et 6 mois pour les récidives légales." A droite, on fait mine d'ignorer que plus de 80 000 peines ne sont pas exécutées dans l'année qui suit leur prononcé. Début septembre sur France 2, la ministre vantait alors que la contrainte pénale permettrait au contraire de prononcer immédiatement un certain nombre d'obligations et d'interdictions.

4. La loi Taubira ne prévoit aucune libération automatique des délinquants. Elle durcit même les conditions de sortie. Constatant l'échec des "sorties sèches" de prison (trop nombreuses, favorables à la récidive), la Garde des Sceaux créé une libération sous contrainte: "Un dispositif de retour progressif et encadré à la liberté est mis en place, la libération sous contrainte. Les détenus condamnés à une peine inférieure ou égale à 5 ans verront leur cas examiné obligatoirement aux deux tiers de la peine. Leur situation sera évaluée sur le plan social et criminologique. En fonction de cet examen, et après avis de la commission d’application des peines, le juge décide de la libération sous contrainte ou du maintien en détention. La libération sous contrainte implique obligatoirement soit : un placement sous surveillance électronique / une semi-liberté / un placement extérieur / une liberté conditionnelle."

5. La loi Taubira ne supprime pas la détention de sûreté, une mesure qui avait agité le camp antisarkozyste lors de son adoption en 2008. Cette absence sera considérée comme une sacrée lacune, vu de gauche.

1 000 postes de conseillers de probation seront créés

Jean-Marc Ayrault a annoncé, mercredi 9 octobre, la création de 1 000 postes supplémentaires dans le cadre de la réforme pénale, présentée le même jour au Conseil des ministres. Le texte sera soumis au Parlement le 8 avril prochain.

Les moyens, “je les donne”, a affirmé le Premier ministre, le 9 octobre sur Europe 1, réaffirmant l’objectif de ramener à 40 le nombre de dossiers par conseiller de probation et d’insertion, alors que l’une des mesures phares du projet de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, est la création d’une “contrainte pénale”, peine de probation hors prison.

“J’ai demandé – ça c’est mon exigence – qu’on réduise le nombre de dossiers suivis par chaque conseiller à 40. C’est 120 aujourd’hui. Nous allons créer, à partir de 2015, 1 000 postes supplémentaires”, a déclaré Jean-Marc Ayrault.

Dans le cadre de la réforme pénale, présentée en Conseil des ministres le 9 octobre, la garde des Sceaux avait annoncé la création de 450 postes dans les services d’insertion et de probation (Spip) pour les années 2014 et 2015. Mais les syndicats avaient jugé jusqu’à présent les nouveaux moyens annoncés insuffisants.

Pas d’opposition entre police et justice

À Matignon et au ministère de la Justice, on soulignait que le chiffre de 1 000 concernait le total des créations de postes sur trois ans dans les Spip pour accompagner la mise en place de la réforme. “Le grand problème, et c’est l’objectif de cette réforme, c’est d’éviter que les gens sortent tous seuls de prison dans la nature sans être suivis”, a poursuivi le Premier ministre.
Dans ce cas, a souligné Jean-Marc Ayrault, “il y a de la récidive et c’est cette récidive qu’il faut à tout prix éviter et pour cela, il faut du personnel spécialisé, formé, parce que si on demande à quelqu’un qui est sorti de prison d’aller une fois par semaine pointer au commissariat de police, ça ne va pas changer grand chose”.

Le chef du gouvernement a aussi nié toute tergiversation autour du projet de loi. “Il n’y a pas d’opposition entre la police et la justice, c’est la même chose, la sécurité des Français, la protection des victimes”, a-t-il dit. Le texte sera examiné en première lecture au Parlement le 8 avril, après les élections municipales. “Le calendrier parlementaire d’ici les municipales ne permet pas d’accumuler des lois après des lois”, a justifié Jean-Marc Ayrault.

Merci à La lettre de Jaurès

Les mensonges des opposants à la loi Taubira
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